L’inscription murale
En milieu rural
Au XVIIIème siècle, les inscriptions murales étaient forts courantes en milieu rural.
Les textes étaient humoristiques ou sarcastiques avec des règlements de compte. Les peintres inscrivaient également des versets qu’ils copiaient au hasard de leurs découvertes.
Ils se servaient également de feuilles volantes imprimées par Wenzel à Wissembourg. Ces feuillets, qu’on appelait «Das Goldene ABC» (l’ABC doré), étaient des répertoires de versets qu’on copiait tel quel, ou que l’on adaptait aux circonstances.
Qui mieux que le docteur Auguste KASSEL pouvait en parler!
En effet, médecin de campagne à Hochfelden vers la fin du XIXème siècle, il fut un collecteur infatigable des arts et traditions populaires du Pays de Hanau. Il mit à profit ses visites aux malades pour recenser entre 1890 et 1900 toutes les inscriptions murales existant encore à l’époque. Dans un recueil paru en 1905 (Inschriften im Elsass), il nota toutes les inscriptions extérieures et intérieures des maisons de la région. Il en compta environ 460 !!! Son intérêt pour les arts et traditions populaires se résume dans la préface de son recueil :
« Meinem Lieben Alten Hanauerland, in Ergebenheit und Verehrung gewidmet »
« Dédié à mon cher vieux Pays de Hanau, avec dévouement et respect ».
Voici quelques extraits de son ouvrage :
« Il est remarquable de constater que de telles inscriptions exposées aux intempéries durant des siècles, soient parvenues jusqu’à nous.
D’une manière générale, l’écriture est en allemand. On rencontre rarement des inscriptions en français. Sur les anciennes inscriptions, il n’y a pas d’espace entre les mots, ni de ponctuation en fin de ligne. Il est fréquent que la manière d’écrire soit dialectale et incorrecte.
Les maisons aux peintures murales attirent l’attention et la curiosité des étrangers. Même la troupe est littéralement hypnotisée pas ces inscriptions, ce qui provoque régulièrement des arrêts lors des marches de manœuvre ».
Rede wenig mache wahr, Borg wenig bezah le bahr, Lass einen reden wer er ist, So bleibst du auch wer du bist.
Parle peu, soit sincère (honnête) Ne cache (dissimule) rien, paie comptant Laisse l’autre se vanter Aussi tu resteras qui tu es (sincère et authentique). (Geisswiller)
Schau auf dich und nicht auf mich. Thu ich unrecht, so hute dich, dann glügselig ist der mann Der sich vor schaden wahren kann.
Regarde toi et pas sur moi (ne prend pas exemple sur moi) Si je fais du tort, sois sur tes gardes Car bienheureux est l’homme qui peut se préserver du mal (Geisswiller)
Die Arbeit ist des Menschen Pflicht den Träge had den segen gotes nichd
Le travail est le devoir de l’homme Le paresseux n’a pas la bénédiction de Dieu (Issenhaussen)
O, ich alter Aff’! steh hier her und gaff! während ich hier steh und gaff’ könnt ich weiter gehn ich Aff!
Oh moi vieux singe je suis là à regarder (bêtement) Au lieu d’être là à regarder (bêtement) Je pourrais continuer ma route moi vieux singe (Ringendorf)
Mein Gott die Arbeit meiner hände fang ich in deinem Na- men an Gib das ich allso bollende damit sie dir gefallen tann.
Le travail de mes mains, je le commence En invoquant le nom de Dieu Puis-je l’achever ainsi Afin que mon œuvre lui plaise (Menschhoffen)
Alles ist an Gottes Segen vas wir immer thun gelegen die Arbeit ist des Menschen Pflicht der dräge hat Gottes Segen nicht
Rien ne réussit, ni ne prospère Si Dieu n’y donne sa bénédiction Il est du devoir de l’homme de travailler Le paresseux n’attirera pas la bénédiction divine (Menschhoffen)
Ich kam einst in ein Fremdes Land da stehts geschrieben an der Wand bleib verschwiegen was nicht dein ist das lass liegen.
Je m’en vins jadis dans un pays étranger J’y vis une inscription sur un mur Sache rester discret Ne touche pas à ce qui ne t’appartient pas (Menschhoffen)
Das Wein trinken macht Fröhlich Gott fürch- ten macht Selich Fürchte Gott und trinke Wein so kanst du Fröhlich und Selich sein
Boire du vin donne humeur gaie Craindre Dieu procure le salut Crains Dieu et bois du vin Tu trouveras gaieté et félicité (Menschhoffen)
En milieu citadin
En milieu citadin, les inscriptions murales étaient nombreuses et forts prisées. Hélas, elles disparurent au fil des siècles, victimes des intempéries et de l’évolution des mentalités. Il n’en reste que peu de vestiges.
Pavillon tardif (1547) de l’ancienne commanderie de Saint-Jean, Strasbourg, actuellement ENA.
Ancien hôtel des Boecklin de Boecklinsau (1598). Le décor de 1598 représentait l’aigle impérial du Saint Empire Romain Germanique, et les blasons des empereurs.
Brasserie ‘’Au Géant » (1636), installée dans un immeuble de 1541. Démoli pour permettre l’agrandissement de la Manufacture des Tabacs de la Krutenau à Strasbourg. Cette vue a été prise par Charles Winter lors de sa démolition en 1855.
Bierhaus wird zum Riesen genand Ein beispiel steht an dieser wand Vom Grossen Riesen Goliath Welchen David erleget hat Ohn ausehn seine rüstung Schwer Mit einem Stein und der Schleider D’rum niemand auf sich selbst vielbau Sondern allein auf Gott vertrau |
Moi, l’auberge surnommée au »Géant » Un exemple se trouve sur ce mur Du grand géant Goliath Que David a vaincu Sans apparence et sans armure Avec un caillou et une fronde C’est pour cela que nul ne se fie à soi-même Mais n’ait confiance qu’en Dieu seul |
Ancienne boulangerie située à l’angle de la place Broglie et la rue de la Fonderie à Strasbourg. Photo prise vers 1900. Une partie du décor sur la façade datait de 1634. Il représentait les armes de la corporation des Boulangers (l’écusson à deux bretzels et deux lions debout sous une couronne), ainsi que de belles décorations polychromes et un verset d’imploration : ‘’Gott halt in Gnaden treue Wacht – In diesem Haus Tag und Nacht » (Que Dieu veille sur cette demeure nuit et jour).