Sommaire

Au sommaire de ce Blättele

  • Prochain Stammtisch du Bas-Rhin et retrospective du Stammtich du Haut-Rhin
  • Pas de trêve estivale pour les démolisseurs : 
    • 1. Un véritable scandale à Brunstatt
    • 2. Le pays de Hanau meurtri à Zutzendorf
  • Un projet exemplaire à Gries
  • Intervention de Jean-Marc Biry, Vincent Couvreur et Denis Elbel sur Europe 1
  • Un article de l’Est Agricole et Viticole : « Comment restaurer sa maison à colombages »
  • Le n° 101 des Saisons d’Alsace est consacré aux enquêteurs du Patrimoine: ’’60 ans d’Inventaire en Alsace !’’
  • Annonces
  • Partenaires

À noter

Prochain Stammtisch du Bas-Rhin

Mardi 5 novembre 2024 à partir de 18 h 30 

Restaurant au Cerf d’Or à Strasbourg (6 place de l’Hôpital)

Inscription obligatoire avant dimanche 3 novembre

RETROSPECTIVE

Stammtisch du Haut-Rhin à Montreux Jeune

par Stéphanie Bringia, responsable des Stammtisch du Haut-Rhin

Petit retour en images sur notre Stammtisch du Haut-Rhin à la maison Perronne à Montreux Jeune, le 14 septembre dernier. Un grand merci à la municipalité pour son accueil chaleureux ! Le prochain Stammtisch du Haut-Rhin aura lieu au printemps.

ACTUALITÉS

1. Pas de trêve estivale pour les démolisseurs : un véritable scandale à Brunstatt

Brunstatt,406 avenue d’Altkirch, photo du 2 septembre 2024 – ©Rémy Claden

Une maison Renaissance de 1604 vandalisée !

L’Alsace et les DNA s’en sont fait l’écho les 3 et 4 septembre derniers, sous ce titre : « La rénovation d’une maison de la Renaissance provoque l’ire des défenseurs du patrimoine. »

Il y a de quoi, en effet, car cette rare maison Renaissance, érigée en 1604 par le Prévôt de Brunstatt, est l’unique bâtiment du centre de la commune qui soit protégé au PLU. Sa date de construction est même gravée en trois endroits, sur les linteaux en pierre de taille de deux fenêtres et sur celui finement ouvragé de sa porte d’entrée.

Marc Grodwohl, anthropologue et membre fondateur de l’Ecomusée d’Alsace, nous a autorisés à publier le courrier qu’il a adressé au maire de Brunstatt le 14 août, pour exprimer son indignation à la vue de ce projet ; cette lettre est malheureusement restée sans réponse! C’est vraiment regrettable, car à la mi-août, le mal n’était pas encore fait.

Monsieur Antoine VIOLA 

Maire de Brunstatt Didenheim 

388 avenue d’Altkirch 

68350 BRUNSTATT DIDENHEIM 

Le 14 août 2024 

Monsieur le Maire, 

La démolition en octobre 2015 de plusieurs maisons en centre-ville de Brunstatt avait suscité une certaine émotion, relayée par la presse. 

A la suite de cela ont eu lieu différentes rencontres entre la municipalité et M.M. Fuchs et Claden de l’Association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (Asma). Pour ma part j’ai participé à une visite partielle du patrimoine de Brunstatt et Didenheim avec des élus le 7 août 2018. A leur demande j’avais du reste produit un projet d’inventaire détaillé portant notamment sur l’élément le plus remarquable, le n° 406 Avenue d’Altkirch. 

J’avais gardé de cette réunion, même si le projet d’études n’a pas eu de suite, l’impression réconfortante que dorénavant on ferait davantage attention aux derniers restes du bâti ancien de Brunstatt. 

Aussi, c’est avec sidération que j’ai pris connaissance du projet concernant le 406 Avenue d’Altkirch. Ce projet est l’un des plus calamiteux que j’ai pu voir ces dernières années, car il consiste à défigurer le volume et l’homogénéité d’une maison Renaissance datée de 1604, qui nous est parvenue dans un état exceptionnel de conservation. La conservation du pignon et d’une partie de son retour en façade est un alibi à ce qui est en réalité une destruction. 

Je ne pouvais pas m’abstenir de vous faire part de mon indignation, même si je n’ignore pas les difficultés rencontrées par les élus en matière de maîtrise des projets privés. Cependant des solutions juridiques existent pour faire respecter la notion de bien commun attachée au patrimoine architectural. 

Veuillez agréer, Monsieur le Maire, l’expression de mes sentiments distingués, 

Marc GRODWOHL 

4 rue de la Gare 

68890 MEYENHEIM 

marc. grodwohl@orange.fr 

Charpentiers Bosselshausen

Porte Renaissance de 1604 démolie ! – ©Rémy Claden

Symbole de la fonction du Prévôt de Brunstatt,qui a érigé la maison en 1604 – ©Marc Grodwohl

En effet, les photos ci-jointes montrent que cette maison qui nous était parvenue dans un état exceptionnel de conservation, comme Marc l’a écrit, a été gravement endommagée fin août par une intervention brutale qui a défiguré toute la partie arrière ; près des deux tiers de la façade Sud a été démolie, l’ancienne porte de cave en plein cintre a disparu et la porte d’entrée, avec son linteau millésimé particulièrement travaillé, a été carrément cassée !

À l’intérieur également, les dégâts sont considérables, puisque des structures ont été démolies et que les solives et plafonds Renaissance de la première travée ont été découpés à la tronçonneuse !

©Rémy Claden

Ce bâtiment Renaissance parfaitement conservé, c’est à dire avec sa volumétrie, ses structures, ses divisions intérieures et ses façades, la commune l’avait acquis il y a quelques années pour le soustraire aux appétits des promoteurs, mais l’avait ultérieurement revendu à un restaurateur qui a obtenu, en octobre 2023, un permis pour un projet qualifié par Marc Grodwohl comme étant « l’un des plus calamiteux que j’ai pu voir ces dernières années » dans sa lettre adressée au maire.

A noter que ce permis n’autorise que la démolition de la seule annexe située à l’arrière, grange qui, elle, n’était malheureusement pas protégée au PLU, bien qu’elle puisse être contemporaine de la maison.

Les dégradations dont a été victime cette rare maison du début du XVIIe siècle sont donc parfaitement illégales, puisque non autorisées au PC.

Ce fait scandaleux rappelle d’autres affaires similaires -dont certaines dans la même commune- où, comme toujours, le mépris pour le patrimoine le dispute à l’ignorance -ou du moins l’inconscience- quant à son rôle social et structurant de premier plan pour le territoire. En effet, vidés de leur substance, les centre-villages se banalisent et finissent par mourir !

Nous avons donc adressé le 6 septembre dernier, par l’intermédiaire de notre avocat, une lettre recommandée avec accusé de réception, valant recours gracieux, au maire de Brunstatt, avec copie au Préfet du Haut-Rhin, le 6 septembre, pour lui demander de bien vouloir dresser, sans délai, un procès-verbal constatant cette infraction caractérisée au droit de l’urbanisme, en application des dispositions de l’article L.480-1 du Code de l’urbanisme et de prendre un arrêté interruptif de travaux en cours.

L’ASMA entend suivre ce dossier sensible de très près.

Le pays de Hanau meurtri à Zutzendorf

2. Pas de trêve estivale pour les démolisseurs : le pays de Hanau meurtri à Zutzendorf

 Démolisseur en action le 15 juillet 2024 – ©Association locale OZ’cour

« Une mobilisation jamais vue pour sauver un corps de ferme »

C’était le titre de l’article des DNA du 23 juillet dernier, une pleine page pour rendre compte de l’indignation des habitants de Zutzendorf, un village particulièrement bien préservé du Pays de Hanau, lorsqu’ils ont vu arriver, en ce matin du jeudi 11 juillet, une grosse pelle à chenilles qui s’est mise à démolir un corps de ferme en bon état structurel, situé en plein cœur du village !

Stupéfaction des riverains : le panneau du permis, affiché depuis longtemps sur le portail, indiquait simplement comme nature des travaux : « Création de 4 logements », mais pas la moindre mention d’une démolition !

L’ASMA a été alertée et notre vice-président Denis Elbel s’est aussitôt rendu sur place. Il a fait stopper les travaux et a contacté par téléphone le maire-délégué, Monsieur Thierry Schini, pour vérifier avec lui si les bâtiments que le démolisseur avait reçu l’ordre de raser par le propriétaire privé étaient bien inclus dans la liste des bâtiments à démolir inscrite au permis ; il s’est avéré que c’était le cas exclusivement pour l’écurie en grès des Vosges, le long de la rue, ainsi qu’une toute petite dépendance.

Le propriétaire, arrivé sur les lieux un peu plus tard, a vivement protesté. Il a fallu que notre avocat envoie, dès le lundi 15 juillet, un courrier au maire pour lui notifier l’interdiction de toucher à la belle grange à colombages dont la démolition n’est pas prévue au permis, et lui rappeler qu’il est de la responsabilité de la commune de veiller à l’exécution conforme des travaux effectivement réalisés. Le pouvoir de police du maire permet, le cas échéant, de dresser un procès-verbal d’infraction au droit de l’urbanisme et de faire stopper les travaux non autorisés.

Par ailleurs, nous avons consulté l’ABF du secteur concernant ce projet ; il considère, dans son avis du 19 juillet, que la construction d’un immeuble d’une banalité manifeste, en lieu et place de cet ancien corps de ferme, constituerait une grave dénaturation et serait incompatible avec le caractère traditionnel et authentique des bâtiments et matériaux existants.

Par ailleurs, les membres de l’association patrimoniale « OZ’Cour » de la commune d’Obermodern-Zutzendorf, ont adressé au maire une pétition (voir texte ci-dessous) qui a recueilli 411 signatures (pour mémoire, 647 habitants à Zutzendorf).

L’ASMA a donc décidé de contester ce permis et a déposé le 23 juillet un recours contentieux auprès du Tribunal Administratif. 

En attendant, le chantier est totalement arrêté. 

A suivre…

Début de la démolition le 11 juillet 2024 – ©Denis Elbel

16 juillet 2024 – ©Association locale OZ’cour

Pourquoi cette pétition est importante, par Nicolas TAVENEAUX

Cette semaine, un triste spectacle se déroule au cœur de notre village de Zutzendorf. Un corps de ferme, composé de deux granges en colombage et un bâti sur rue en grès des Vosges, riche de notre histoire, est en cours de démolition. Le projet prévoit son remplacement par un collectif neuf sans réutilisation des matériaux originaux et sans préservation du charme de notre chère campagne du pays de Hanau. Avec l’aval du maire de notre village, le centre de Zutzendorf est à jamais défiguré.

Les charpentiers Schini, venant de Suisse au 16ème siècle, ont œuvré pendant des décennies à bâtir des merveilles à colombages en utilisant un chêne de qualité que nous ne trouvons plus .

Depuis 2018, notre association OZ’cour organise des événements, tout au long de l’année, afin de faire connaitre et faire vivre le patrimoine de nos villages d’Obermodern-Zutzendorf.

Ensemble nous exigeons que :

– Notre mairie consulte systématiquement les habitants et associations avant toute décision de destruction dans les centre historiques de nos villages.

– La Communauté de Communes de Hanau – La Petite Pierre impose des règles plus strictes dans le Plan Local d’Urbanisme intercommunal afin de sauvegarder le charme de nos villages.

Je vous invite tous, à nous rejoindre en signant cette pétition pour montrer que nous tenons ensemble pour valoriser notre histoire et notre héritage culturel et architectural.

Accès à la pétition :

SOURCE D'INSPIRATION

À Gries, un projet exemplaire : « La Cour des Mots » / « De Wèrterhoft »

Vue d’ensemble du projet – Nunc Architectes – Guillaume Zilio 

Un grand corps de ferme du XVIIIe siècle, à l’abandon depuis des années au cœur du village de Gries, va retrouver vie au bout de 3 ans d’atermoiements.

C’est en effet au printemps 2021, que Eric Hoffstetter, Maire de Gries, a fait appel à l’ASMA pour trouver une solution afin de sauvegarder ce grand corps de ferme sur un terrain de 40 ares, situé à deux pas de la mairie. Un industriel allemand l’avait acheté en 1990 pour y développer initialement un centre de formation pour ses cadres, ensuite un hôtel de luxe, et différents projets successifs, sans jamais les mener à bien.

Lorsque le propriétaire a décidé de revendre il y a 3 ans, le promoteur Axcess Promotion a signé une promesse de vente pour acquérir ce domaine, avec l’objectif d’y construire un immeuble locatif, après démolition de l’ensemble des bâtiments, à l’exception de la seule maison d’habitation.

Le 12 mars 2021, Denis Elbel, notre vice-président, et Jean-Christophe Brua, architecte du patrimoine, ont rencontré le Maire, le premier adjoint Jacky Noletta et le DGS Jean-François Sarras. La commune a choisi de suivre la suggestion de l’ASMA et s’est résolue à acheter ce patrimoine remarquable du village, grâce au préfinancement de l’EPF d’Alsace – l’Établissement Public Foncier d’Alsace.

Le projet, conçu avec l’aide du CAUE, consiste à faire de cet ancien corps de ferme un lieu de vie : accueil périscolaire d’une capacité de 50 enfants et transfert de la bibliothèque municipale dans la maison d’habitation restaurée.

Quant au séchoir à tabac, il sera réhabilité pour devenir la halle du marché, ce qui permettra d’accueillir également sur le site diverses animations festives telles que le marché de Noël ou la Fête de la musique.

Le coût prévisionnel des travaux se monte à 4,5 millions d’euros ; il sera couvert par des subventions de l’État, de la CeA, de la Région Grand Est, de la CAF du Bas-Rhin, de la Communauté de Communes de la Basse-Zorn et même par un don de 190 000 € de la Mission Patrimoine de Stéphane Bern !

La « première pierre » de ce projet patrimonial a été posée symboliquement le vendredi 20 septembre. Une convention entre la Fondation du patrimoine et la commune consacre ce projet absolument remarquable, tel qu’en attestent les photos. 

De son côté la Fondation du patrimoine a lancé un appel à contributions sur son site internet www.fondation-patrimoine.org/88441.

On se prend à espérer que ce projet, exemplaire entre tous, soit une source d’inspiration pour d’autres communes d’Alsace !

Signature de la convention avec la Fondation du Patrimoine

Pose de la première pierre 

La future  »Cour des Mots » 

La future bibliothèque municipale 

Le futur périscolaire

REPORTAGE | 4 août 2024 sur EUROPE 1

Rencontre avec des passionnés de maisons alsaciennes

Témoignage de Cindy, une passionnée qui a décidé de restaurer une maison de 1841 à Grendelbruch. Interviews successives de Jean-Marc Biry (Président de l’ASMA), Vincent Couvreur (Artisan) et Denis Elbel (Vice-président de l’ASMA)

Reportage de Mélina Facchin, correspondante pour Europe 1 à Strasbourg.

PARUTION dans L’EST AGRICOLE ET VITICOLE | 23 aout 2024

Comment restaurer sa maison à colombages ?

Le journal L’EST AGRICOLE ET VITICOLE a accepté avec plaisir que cet article soit gracieusement diffusé dans notre newsletter. Formulaire d’abonnement au journal disponible ici : https://www.est-agricole.com/abonnement

Denis Elbel est vice-président de l’Association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (Asma). De 2010 à 2016, il a restauré avec ses proches et 48 artisans, la demeure ancienne à colombages héritée par son épouse Malou à Schnersheim, en essayant de répondre à tous les défis techniques imaginables. « Maison pilote », elle est labellisée Fondation du patrimoine et Bâtiment basse consommation (BBC) : unique en Alsace. Il livre quelques secrets de fabrication.

Ses fondations, la winstub (cave à vin), datent de 1717. La maison alsacienne des Elbel est située à Schnersheim, dans le Kochersberg, connu pour ses grands corps de fermes anciens à colombages. Longue de 18 mètres et large de 12 mètres, elle compte une cave, un rez-de-chaussée, un étage et des greniers. Chaque niveau s’étend sur 200 m2. «Les travaux ont commencé en 2010 et nous avons emménagé en 2016. Nous avons beaucoup démonté et remonté. La toiture et la charpente étaient à réparer. Le principal ennemi des maisons alsaciennes, c’est l’eau, à cause des colombages en bois, chêne et sapin. La première chose à faire est donc de restaurer la couverture pour qu’elle soit parfaitement étanche. Ensuite, il faut isoler les murs, à l’intérieur de la maison, pas à l’extérieur, sinon nous empêchons les colombages de respirer, et nous perdons le bénéfice de la beauté des lieux », observe Denis Elbel, ancien ingénieur en BTP pour les Grand Travaux de Marseille (GTM) et Vinci.

Denis Elbel est vice-président de l’ASMA © Anne Frintz

La maison alsacienne des Elbel est au coeur de Schnersheim.

« J’aime l’ancien »

« Nous avons restauré cette demeure, c’est-à-dire que nous l’avons remise dans son état initial. La partie haute de celle-ci est un peu plus récente que la cave car je pense qu’elle avait brûlé. Nous avons retrouvé le livre de comptes de l’ancêtre de mon épouse Malou, Hans Lux. Il y est écrit qu’il a acheté sur pied une maison à Schwindratzheim et qu’il l’a remontée ici, à Schnersheim, en 1781, au-dessus de la cave de 1717 », raconte Denis Elbel. Le retraité adhérait à l’Asma depuis plus de vingt ans, avant de faire appel à elle lorsqu’il a commencé les travaux de la bâtisse. Il est aujourd’hui le vice-président érudit et très actif de l’association. « J’aime l’ancien », confie-t-il.

À partir de photos d’époque

« Après avoir géré tant de chantiers toute ma carrière, j’ai réalisé mon propre chantier dans ma vie personnelle, et j’ai fait de cette maison alsacienne, une maison pilote. Elle est la seule, à ma connaissance, à être labellisée Fondation du patrimoine et Bâtiment basse consommation (BBC) (lire encadrés) », précise Denis Elbel, désireux de prouver qu’une maison alsacienne restaurée est aussi confortable que durable. Sûr et certain de l’âge de la bâtisse, grâce à la dendrochronologie (qui consiste à analyser des cernes annuels de croissance du bois, ce qui permet de déterminer l’année d’abattage de l’arbre, et donc l’année de construction de la maison), Denis Elbel est intarissable sur… tous les sujets. Il est à lui seul une mine d’informations. Avant d’engager les travaux, un architecte de l’Asma, architecte du patrimoine, a été consulté. Outre la charpente et la toiture refaite en tuiles Biberschwanz (queue de castor, en alsacien), un escalier a été recréé en grès des Vosges, à l’extérieur de la maison, à partir de photos d’époque.

La Stub est toute de bois vêtue, comme il se doit.

Le torchis de sa maison restaurée date de 1781-82.

Isoler avec du chaux-chanvre

La grande question a été de savoir comment isoler cette maison alsacienne ancienne. Pour éliminer la vapeur d’eau, les murs doivent être perspirants. L’isolation au polystyrène est donc exclue. « Le bois et le torchis respirent. Même les murs en pierre, ici, sont perspirants car hourdés à la chaux : un mortier de chaux et de sable mélangés », pose Denis Elbel. Les fondations de sa bâtisse ont d’ailleurs aussi été renforcées grâce à un enduit à la chaux. Les pierres de la maison sont en grès et en calcaire, dont des briques fabriquées à la ferme de Schnersheim au XVIIIe siècle, qui séparent encore la cuisine de la Stub (le salon, en alsacien), entre les colombages, et que les Elbel ont laissé apparentes. «À l’intérieur de la maison, tout le plâtre qui recouvrait les murs (en torchis et bois, le plus souvent) a été enlevé, et pour isoler tout en permettant à la demeure de respirer, du chaux-chanvre a été projeté sur les murs donnant sur l’extérieur, sur quinze à vingt centimètres. Le chaux-chanvre est un enduit écologique à base de paille de chanvre et de chaux mélangés », détaille Denis Elbel. Il rappelle que la tige de chanvre est naturellement isolante, contrairement aux pailles de blé, orge, riz, seigle, etc. C’est la seule à avoir cette propriété. Et bonus : les souris n’aiment pas le chanvre ! Depuis la restauration de leur maison, les Elbel n’en voient plus. « Pour 120 m3 de chaux-chanvre projetés ici, il a fallu dix jours de travail », signale Denis Elbel, à titre indicatif. Le chaux-chanvre nécessite une semaine par centimètre pour sécher, donc quinze semaines pour quinze centimètres.

Le jeune agriculteur Maxime Lux, un voisin de Denis Elbel, restaure la maison alsacienne familiale, qui date de 1722, une des plus anciennes du village, avec celle des Elbel. ©Maxime Lux

Du double vitrage pour des fenêtres XVIIIe

Le vice-président de l’Asma raconte aussi volontiers l’aventure qu’a été la création sur-mesure des fenêtres de sa maison alsacienne. Pour que confort moderne et économie d’énergie soient garantis, il a opté pour du double vitrage. Mais pour satisfaire au cahier des charges du label Fondation du patrimoine, sous l’égide des architectes des bâtiments de France (ABF), il a fallu revoir l’épaisseur des vitres, notamment. « Il y a une croisée (Kritzstock), comme au XVIIIe siècle, et de fins montants en bois, à chaque fenêtre. Les quatre parties peuvent s’ouvrir indépendamment. Le haut des fenêtres est un arrondi. J’ai contacté une dizaine de menuisiers avant d’en trouver un qui veuille bien réaliser un prototype de fenêtre. Pierre Seene, à Uttwiller, a relevé le défi. Grand bien lui en fit : je lui ai commandé plus de cinquante fenêtres de plusieurs tailles, et aujourd’hui, nombreux sont ceux qui le contactent pour des travaux similaires », assure Denis Elbel.

Une Stub traditionnelle

Les peintures du plafond de l’entrée de la maison sont inspirées d’anciens dessins devinés sur des planches retrouvées au grenier. Les tomettes anciennes (une d’elles date de 1548) qui recouvrent certains sols ont été récupérées aux Grands Haras de Strasbourg. Le parquet de la cuisine est issu des chênes tombés à Haguenau lors de la tempête de 1999. Chaque élément de l’aménagement et du décor, ici, a une histoire. Pour les pièces d’eau, du tadelakt (enduit à la chaux marocaine teint de pigments naturels, lissé au fer) a été utilisé et un parquet « pont de bateau » en bois local (du frêne thermotraité pour résister à l’eau) avec des lames étanchéifiées par des joints en caoutchouc, posé. Mais la pièce la plus typique et la plus impressionnante de la maison des Elbel est la Stub, la pièce à vivre traditionnelle tout en bois des maisons alsaciennes médiévales. Des portes cachées donnant sur d’autres pièces de la maison la rendent encore plus impressionnante. Ces passages étaient déjà existants les siècles passés, mais avaient été obstrués.

Ce plafond peint, dans l’entrée de la maison des Elbel, est inspiré du dessin d’époque retrouvé sur place.

Le parquet de la cuisine provient de chênes tombés lors de la tempête de 1999.

L’escalier qui relie le rez-de-chaussée au premier étage de la maison des Elbel met en valeur les « miroirs » vides, colombages non remplis.

Lumineuse

Certaines des portes en bois de la maison ont traversé les siècles. Elles ajoutent du cachet à l’intérieur. Des serrures allemandes du XVIIIe siècle ont été remises. Jusqu’aux interrupteurs des éclairages intérieurs, Denis Elbel a cherché à coller à l’époque, avec des caches en céramiques, par exemple. La lumière c’est essentiel et Denis Elbel sait que pour inciter les gens à s’installer dans une maison alsacienne, il faut proposer des solutions pour que l’intérieur soit clair. À l’étage de la sienne, il y a donc une loggia. Pour ce faire, les « miroirs » (espaces dans lesquels prend place le torchis) d’un mur donnant sur la cour du corps de ferme sont restés vides mais, petite astuce, une baie vitrée a été installée à l’arrière du colombage pour une meilleure isolation. Denis Elbel est toujours attentif à la dimension pédagogique de son œuvre.

Kachelofe et pellets

Si en été la maison est un havre de fraîcheur, comment garantir sa chaleur en hiver ? Il y a un bien un kachelofe, foyer radiant typique rhénan aussi appelé poêle de masse, à cheval entre la cuisine et l’entrée de la maison alsacienne, qui pompe l’air extérieur et dont la porte est étanche pour éviter les échanges gazeux à l’intérieur. Mais une chaudière à pellets, installée dans l’extension moderne de la cave, garantit le chauffage de toutes les pièces de la maisonnée. Les tuyaux sont soigneusement cachés derrière des plinthes « chauffantes », ouvertes sur quelques centimètres pour que l’air et la chaleur circulent. Pour une utilisation optimale et parce que la maison est bien isolée, il est préférable de laisser le chauffage allumé en continu partout, les mois froids, conseille Denis Elbel. Une VMC double flux permet de renouveler l’air intérieur tout en limitant les déperditions de chaleur dans le logement, grâce à un échangeur thermique.

Ça n’a pas de prix

« La seule question à laquelle je ne répondrai pas est : combien cela a coûté ? Nous sommes dans une maison pilote. Nous avons innové et il y a beaucoup de sur-mesure, donc tout est plus cher. Aujourd’hui, je pense que les coûts seraient moins élevés, puisque certains travaux sont devenus plus communs. Mais ce prototype est ma contribution à la préservation du patrimoine bâti alsacien », conclut Denis Elbel. Et ça, ça n’a pas de prix, aux yeux du passionné. Au total, 48 artisans, surtout locaux, ont participé à la restauration de cette maison, l’une des trois plus anciennes de Schnersheim. Denis Elbel, fort de toutes ses connaissances acquises au fur et à mesure de son chantier, a animé de nombreuses Stammtisch de l’Asma, ces rencontres mensuelles conviviales dans lesquelles les maîtres d’ouvrage échangent sur leurs expériences. Il est toujours ravi de partager la sienne.

Malou Martin et Denis Elbel ont dérogé à la tradition : le nom de l’épouse a été gravé avant celui du mari, dans le grès de l’extension moderne de la cave.

Les tomettes ont été récupérées aux Grands Haras de Strasbourg. Elles sont plus anciennes que la maison, pour certaines. Elles servaient de coupe-feu dans les maisons alsaciennes traditionnelles.

L’Asma en chiffres

Un millier d’adhérents dont 55 communes soutiennent l’Asma. Sur les dix dernières années, Denis Elbel pense avoir réussi à sauver de la démolition une cinquantaine de maisons à colombages anciennes de la région. Il estime qu’une quarantaine de projets de restauration sont en cours actuellement, dans les deux départements alsaciens. Ses dernières victoires sont la protection dans le Plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) de 1 500 bâtiments à colombages de vingt villages du Kochersberg et l’augmentation de l’aide à la restauration de maison ancienne, dont le plafond est passé, cette année, de 10 000 à 40 000 €.

Action en justice

L’association recense en ce moment les maisons alsaciennes dans 32 villages de la communauté d’agglomération de Haguenau. Malgré l’appel de Stéphane Bern, le célèbre passionné de patrimoine, la commune de Spechbach dans le Haut-Rhin avait fait démolir le 16 juillet 2021 une remarquable maison à colombages des XVIIe et XVIIIe siècles, pourtant protégée au PLUI, relate l’Asma. Elle a donc été contrainte de déposer plainte le 23 janvier 2024, auprès de la Procureure de la République de Mulhouse. L’enquête est en cours.

Le label Fondation du patrimoine

Le label reconnaît l’intérêt patrimonial d’un bâtiment, d’un parc ou d’un jardin privé, non protégé au titre des monuments historiques, ainsi que la qualité du programme de travaux envisagé. Attribué sous conditions pour une durée de cinq ans, le label peut notamment permettre : d’obtenir une aide de la Fondation représentant au moins 2 % du montant des travaux éligibles et de déduire 50 ou 100 % des travaux éligibles du revenu global imposable. Pour candidater au label, le bien doit s’inscrire dans au moins une des quatre catégories suivantes : situé dans une commune de moins de 20 000 habitants à la date de la demande ; situé dans un site patrimonial remarquable (SPR) ; situé dans un site classé au titre du code de l’environnement ; être un bien non-habitable, caractéristique du patrimoine rural (pigeonniers, lavoirs, fours à pain, chapelles, moulins…) ou un jardin/parc et dans ce cas, il n’est soumis à aucun critère de localisation ni protection.

Le label est financé, entre autres, par les successions en déshérence.

Source : www.portailpatrimoine.fr

Le label Bâtiment basse consommation rénovation

Le label Bâtiment basse consommation rénovation (BBC rénovation) ne donne pas accès à des aides mais il a une incidence directe sur le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui renseigne sur la performance énergétique et climatique d’un logement ou d’un bâtiment (étiquettes A à G). Il a donc une incidence sur le prix d’un bâtiment à sa revente.

Le label BBC rénovation a été mis en place en 2009 et mis à jour en 2023, afin de fixer des références de performance énergétique permettant de caractériser une rénovation énergétique ambitieuse et cohérente avec les objectifs de lutte contre le changement climatique portés par le Grenelle de l’environnement. Il est composé pour le secteur résidentiel du label « BBC Rénovation Résidentiel 2024 – première étape » et du label « BBC Rénovation Résidentiel 2024 ». Ce système à deux niveaux, venu actualiser les labels BBC Rénovation et HPE Rénovation, dessine une trajectoire cohérente de rénovation. Les travaux de la première étape permettent ainsi de sécuriser la performance finale du bâtiment, d’éviter le développement de pathologies, et finalement d’obtenir un bâtiment performant, confortable et durable, avec un coût optimal des travaux.

Pour le secteur non-résidentiel, le label BBC est composé du seul label « BBC rénovation tertiaire », qui n’a pas évolué début 2024.

Pour de plus amples informations, il est nécessaire de consulter ce site Internet : www.ecologie.gouv.fr/politiques-publiques/labels-batiment-basse-consommation-renovation

LES SAISONS D'ALSACE

(Re)Découvrir la diversité du patrimoine alsacien, avec le n°101 des SAISONS D’ALSACE

par Hervé de CHALENDAR, journaliste en charge des Saisons d’Alsace

Pour une fois, le numéro 101 des Saisons d’Alsace, sorti fin août, parle un peu plus de patrimoine que d’histoire. Il le fait à travers les yeux du service de l’Inventaire, qui fête cette années ses 60 ans : il a été créé par Malraux en 1964, et fut mis en œuvre aussitôt en Alsace. C’est l’occasion de raconter l’aventure de ce service, dont la devise est « Recenser, étudier, faire connaître », et de s’attarder sur un patrimoine alsacien bien moins évident et touristique que la cathédrale de Strasbourg ou le Haut-Koenigsbourg : dans ce numéro, on parle plutôt des marcaireries de la vallée de Munster, du patrimoine ferroviaire, de la cité Drouot à Mulhouse ou encore du legs des communautés juives… 

ANNONCES

Maison à vendre à Plobsheim

Vente à Plobsheim, en intégralité (11,22 ares) ou  à la découpe, d’un corps de ferme avec maison à colombage de 1807 pour 2 ou 3 familles, grange de 1912 pour atelier ou habitation et hangar à tabac de 1937 rénové en 2014 en appartement tout confort énergie. Tel : 06 07 40 36 64.

Maison à vendre à Siewiller

La commune de Siewiller vend en plein cœur du village un ensemble constitué d’une maison bloc (maison d’habitation et exploitation agricole sous le même toit) comprenant une date portée sur le linteau de la porte d’entrée de 1756 avec dépendance à l’arrière. Le tout viabilisé, mais en mauvais état.

La superficie du terrain est de 5,10 ares. Cédé pour 40 000 €. 

S’adresser à la Mairie, 45 rue des églises 67320 SIEWILLER

Tél : 03 88 00 60 33 – Port : 06 15 23 07 26 – mairiedesiewiller@wanadoo.fr

Revente d’une poutre en chêne

Annonce par M. Xavier Fauvain, professeur de lycée à Caen mais habitant l’Alsace pour la revente d’une poutre en chêne de dimensions exceptionnelles.

Il a mené en 2022, avec des lycéens en formation professionnelle et leurs professeurs, la construction d’une coiffe de moulin à vent et de ses ailes en partant d’une feuille blanche. En mars 2021, il avait fait débiter dans une scierie alsacienne, une poutre en chêne d’environ 8,5 m de long et 55×55 cm de section en prévision d’une fabrication de l’arbre moteur en Alsace (il n’était pas garanti à l’époque que le lycée puisse le façonner). Le lycée de Caen a finalement pu réaliser l’ensemble du projet et une scierie de l’Orne a su fournir toutes les pièces de bois, y compris celle de l’axe.

La poutre « alsacienne » ne lui est ainsi plus nécessaire, elle attend un nouveau projet pour être mise en valeur sur un autre ouvrage exceptionnel. Si cette pièce de bois peut vous intéresser (cf photo), n’hésitez pas à le contacter.

Prix de revente : 5 500 € (à débattre). Lieu de stockage actuel : scierie Trendel à Haguenau. 

Contact :  Xavier Fauvain / 06 84 49 75 65

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