C’est la seconde fois que nous publions une édition spéciale de notre lettre d’information bimestrielle, car l’événement est d’importance : la « Maison Riff » des 17e et 18e siècles au numéro 23 de la rue du Général Duport à Brumath sera finalement sauvegardée et même restaurée ! La précédente édition spéciale remontait à octobre 2020 pour dénoncer la démolition de la « Maison Greder » à Geudertheim. Bien que les dénouements soient différents, les deux cas sont très similaires. 

Maison Riff

« Maison Riff » © DE

L’élu devenu exemplaire malgré lui…

Ainsi pourrait se résumer l’épilogue de cette histoire qui aurait pu très mal se terminer si la mobilisation n’avait été immédiate, massive et déterminée. Le bras de fer a duré 5 semaines et s’est soldé au soir du mardi 20 avril dernier par un remarquable succès pour tous les défenseurs du patrimoine.

Une mobilisation citoyenne déterminée

Le maire de Brumath avait signé le 11 mars dernier le permis de démolir de cette maison remarquable.

Trop souvent, l’affichage du permis de démolir sur une maison n’attire pas spécialement l’attention des passants, mais dans le cas présent, la réaction a été immédiate. Celle en premier lieu de deux riverains dont l’un est adhérent de l’association des « Amis du Patrimoine Brumathois », elle-même adhérente à l’ASMA. Ils ont très rapidement lancé une pétition qui a recueilli près de 1000 signatures et déclenché l’intérêt médiatique. La presse, telle que les DNA, Strasbourg Actu (En Alsace, une maison à colombages datant du 18e siècle doit être détruite : le maire s’explique et Alsace : Stéphane Bern promet de «remuer ciel et terre» pour empêcher la démolition d’une maison à colombages) et France Bleu Alsace (Brumath : des riverains veulent sauver une maison alsacienne du 18e siècle menacée de destruction), a publié des articles dans ses colonnes. TF1 a envoyé une équipe sur place et Stéphane Bern a rapidement réagi sur les réseaux sociaux.

Tournage de TF1 sur le projet de démolition de la

© DE

Extrait du journal de 13h de TF1 du 22/04/2021, consacré au sauvetage de la «Maison Riff à Brumath» © TF1

De son côté, l’ASMA a pris ce dossier à bras le corps. Impensable en effet de rejouer le drame de Geudertheim. Notre courrier du 26 mars au maire de Brumath demandait instamment le retrait du permis de démolir de la « Maison Riff » et sa réhabilitation dans le cadre du projet immobilier. Par ailleurs, nous avons aussitôt sollicité l’avis de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF), qui a conclu dans ces termes son expertise datée du 23 mars : « J’estime que cet immeuble présente un intérêt urbain, architectural et paysager suffisant pour justifier sa préservation et mise en valeur ».

Des éléments nouveaux étant apparus quant à la datation plus précise de la maison, nous avons sollicité à nouveau l’Architecte des Bâtiments de France qui a émis un second avis le 14 avril, confirmant le premier et allant même jusqu’à qualifier de « considérable » l’intérêt architectural, urbain et paysager de cette maison.

En effet, la partie arrière de la maison côté cour est la plus ancienne et a très probablement été édifiée dans le dernier quart du 17e siècle. Elle a fait l’objet d’une extension côté rue au 18e siècle. Elle conserve toujours les éléments d’architecture faisant remonter sa construction à l’issue des guerres dites de Trente Ans (1618-1648) et de Hollande (1672-1678).

Il a été possible à notre vice-président Denis Elbel, à Claude Eichwald, maître d’œuvre membre de l’ASMA et maire de Weiterswiller, et à Jean-Baptiste Malingre, un riverain, de visiter la maison le 15 avril dernier en présence du propriétaire et du promoteur, ce dont nous les remercions. Ceci a permis de constater le très bon état structurel de la maison, dont la partie la plus ancienne est totalement en chêne, de la cave au grenier.

Maison Riff

« Maison Riff » © DE

Nous n’avons reçu une réponse à notre courrier du 26 mars, que le 15 avril par une lettre du maire datée du 12, dans laquelle il reprenait son argumentaire par ailleurs publié dans un communiqué de presse dont les DNA s’étaient faites l’écho.

L’ASMA a répliqué à son tour le 14 avril par un communiqué dénonçant les mauvaises raisons pour lesquelles le maire avait accordé le permis de démolir, dont la moindre n’était pas celle d’éviter aux contribuables brumathois d’avoir à supporter l’effort financier de la réhabilitation de la maison par la commune, alors que cette option n’était en l’espèce, pas du tout la solution adaptée.

Un acteur incontournable

Le maire de Brumath, est aussi élu du canton de Brumath et à ce titre, était vice-président de l’ex-Conseil départemental du Bas-Rhin. Il est aujourd’hui conseiller d’Alsace en charge de l’habitat au sein de la Collectivité européenne d’Alsace (CeA). Il est aussi encore président du Conseil d’Architecture d’Urbanisme et de l’Environnement du Bas-Rhin (CAUE 67) et président d’Alsace Habitat, le bailleur social, à présent opérateur de la CeA, spécialiste de la préservation du patrimoine alsacien.

Fort de tous ces pouvoirs, la porte de sortie était dès lors aisée à trouver. Le maire pouvait annuler le permis de démolir sur la base des avis de l’ABF, et demander à Alsace Habitat, de reprendre le projet à son compte en réhabilitant la maison, quitte à construire plusieurs logements neufs sur le reste du terrain à l’arrière. À noter que dans le magazine mensuel du logement et de l’habitat, la chaîne Alsace 20 avait opportunément diffusé le 8 avril dernier une interview du directeur général d’Alsace Habitat, Monsieur Nabil Bennacer, qui expliquait que sa société dispose de toutes les compétences techniques et des moyens financiers pour réhabiliter nos maisons à colombages. Il poursuivait en indiquant qu’il le fait régulièrement à la demande de certains maires pour aller dans le sens de la politique de protection du patrimoine bâti mise en place en 2019 par Frédéric Bierry, président de la CeA.

C’est justement la solution que nous avions préconisée dans notre communiqué du 14 avril dernier, dont un exemplaire a été envoyé par courrier individuel au maire et à chacun des membres du Conseil municipal.

De nombreux soutiens

Nous avons enregistré de très nombreux soutiens de personnalités d’horizons très variés.

Nous aimerions citer entre autres Georges Bischoff, historien et auteur de nombreux ouvrages sur l’Alsace, Jean-Georges Guth, président de la FSHAA (Fédération des Sociétés d’Histoire et d’Archéologie d’Alsace), Jean-Jacques Schwien, président de la SCMHA (Société de Conservation des Monuments Historiques d’Alsace), Marc Grodwohl, fondateur de l’Écomusée d’Alsace, Christian Hahn, président du Conseil Culturel d’Alsace, et Charles Schlosser, ancien maire de Lembach.

Plusieurs d’entre eux ont envoyé une lettre au maire de Brumath, lettres que nous pourrons publier dans un prochain numéro.

Une lettre de Stéphane Bern

Stéphane Bern a enfoncé le clou en adressant le 16 avril un courrier au maire de Brumath.

Un constat s’impose : depuis 2012 le regard porté sur la protection du patrimoine a changé

Il reste au maire de Brumath à retirer formellement l’arrêté du 11 mars dernier autorisant la démolition de la « Maison Riff ». Un courrier en ce sens lui a été envoyé par notre conseil, qui avait par ailleurs déjà préparé un recours gracieux et le recours contentieux auprès du Tribunal administratif que nous avions bien l’intention d’introduire dans les délais légaux.

Parmi les arguments avancés pour justifier sa décision d’accorder le permis de démolir, le maire de Brumath soulignait que 14 maisons remarquables étaient protégées de par les dispositions du Plan Local d’Urbanisme (PLU) voté en janvier 2012, et que la « Maison Riff » n’y figurait pas. Ce chiffre interpelle. Comment imaginer que dans une commune de la taille et de l’histoire de Brumath, commune d’environ 10000 habitants, si peu de maisons méritent être protégées ?

En conséquence, nous suggérons vivement au maire et aux élus municipaux de voter lors d’un prochain conseil la mise en chantier d’une révision du PLU afin d’y incorporer un volet patrimoine ambitieux digne de la commune de Brumath, en procédant au repérage exhaustif du patrimoine bâti, à l’image de ce qui a été réalisé avec succès par le président Justin Vogel dans le cadre du nouveau PLUi de la Communauté de communes du Kochersberg, en lien étroit avec l’ASMA.

Nos élus doivent dorénavant prendre conscience de leur responsabilité dans la préservation du patrimoine bâti, car les Alsaciens n’acceptent plus sa disparition.

Maison à proximité de la Maison Riff
Maison à proximité de la Maison Riff

Maisons à proximité de la Maison Riff © DE

Épilogue

Nos remerciements vont à tous ceux qui se sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans la défense de la « Maison Riff ». Notre profonde gratitude va à Stéphane Bern pour son aide précieuse. Il a immédiatement adressé un courrier de remerciements au maire de Brumath pour sa sage décision.

Nos remerciements s’adressent également au maire de Brumath qui, dans sa résolution finale, a su entendre la protestation de ses concitoyens. Il pourra sans nul doute se féliciter de la décision prise dans cette affaire qui restera exemplaire.

Restons vigilants et, comme l’a écrit l’un de nos correspondants, « Espérons que le futur projet confié à Alsace Habitat sera parfaitement respectueux de la maison remarquable qui vient d’être sauvée ».

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