Suite à la destruction sauvage ordonnée par l’actuel maire de Geudertheim, Mr Pierre GROSS,
l’ASMA écrit au président du CD67.
Objet :Démolition de la « Maison Greder » à Geudertheim
Demande de rencontre.
Lettre ouverte
Envoi anticipé par mail
Monsieur le Président,
Malgré les nombreuses sollicitations afin de trouver une solution honorable pour la « Maison Greder », le maire de la commune de Geudertheim est passé à l’acte et a fait démolir le 30 septembre dernier cette maison érigée en 1662.
C’est un acte inqualifiable, indigne d’un élu de la République dès lors que des propositions pour sauver ce bien public sous une forme ou sous une autre ont été formulées par d’autres élus et notre Association qui œuvre avec succès depuis des années pour la sauvegarde de la maison alsacienne.
Il montre le peu d’intérêt du Conseil municipal et au-delà, d’une majorité de la population de Geudertheim pour la mémoire.
Car il s’agit bien de cela : la « Maison Greder » n’était pas seulement une simple bâtisse, elle était aussi le témoin d’un vécu de la commune et de ses habitants. Elle était donc la mémoire d’un lieu, d’une cité, d’une population. Effacer cela d’un coup de pelleteuse équivaut à une exécution capitale.
Or cette maison n’avait commis aucun crime, si ce n’est qu’elle dérangeait dans le cadre du projet de construction d’une nouvelle école. Quel message sera-t-il transmis aux futurs écoliers dont les bancs de classe reposeront sur les cendres d’une maison plusieurs fois séculaire ?
Cette dramatique affaire pose le problème du pouvoir absolu d’un élu. Elle ne met pas en cause sa légitimité, mais elle met le doigt sur la dérive de ce pouvoir. Pendant de longs mois, l’ASMA et des élus du Conseil départemental ont essayé de faire comprendre au maire de Geudertheim que sa commune se doit de participer à leur effort pour sauver tout ce qui peut l’être du patrimoine architectural rural, en l’occurrence de la maison alsacienne.
En restant sourd à votre prise de position sans ambiguïté du 10 juillet en faveur de la sauvegarde de cette maison, assortie de deux propositions concrètes de soutien du Département, le maire a fait preuve d’obstination, donnant ainsi l’image d’un déni de démocratie. Le but des actions engagées n’était pas de déclarer que le maire avait tort, mais de le rendre sensible aux conséquences de sa décision, de lui ouvrir les yeux sur l’énormité que représenterait cette démolition.
Cette affaire pose aussi inévitablement la question du pouvoir et du rôle du Conseil départemental en matière de soutien aux communes. Dans le cas présent, l’Assemblée départementale a voté une aide conséquente de 200 000 € au projet immobilier de la commune, englobant la démolition de la maison la plus ancienne du village. Elle a donc participé financièrement à sa démolition ! Il semble en effet difficilement imaginable que la notice de présentation du projet n’évoque en rien le terrain d’assise sur lequel il doit être réalisé.
Or, cette même Assemblée a voté il y a deux ans, un dispositif courageux pour la sauvegarde du bâti ancien. Les élus départementaux sont allés sur le terrain pour faire comprendre aux communautés de communes et aux communes qu’une participation de leurs structures pourrait donner du corps à leur décision et faire en sorte que notre patrimoine soit sauvé, en attribuant des moyens non négligeables aux propriétaires.
Dans l’affaire de Geudertheim, les élus départementaux n’ont visiblement pas saisi l’importance de la décision du maire de la commune et leur pouvoir pour l’empêcher de passer à l’acte. A côté de l’engagement personnel du Président du Conseil pour trouver une solution, engagement partagé par d’autres élus du conseil, nous avons malheureusement aussi constaté le regrettable soutien de son Vice-Président chargé du patrimoine et Président du CAUE 67 à son vieil ami et voisin, le maire de Geudertheim.
Sans se soucier le moins du monde de l’embarras qu’il allait créer, ce dernier a profité de cette situation équivoque pour aller au bout de ses actes unanimement condamnés par tous les protecteurs du patrimoine, sans en tirer toutes les conséquences politiques.
Une question se pose néanmoins : qui avait-il informé, peut-être au sein du Département, de sa décision d’ordonner malgré tout la démolition ?
Pour le Conseil départemental et son Président, cette affaire est en effet plus que délicate. Comment peut-on s’engager dans la sauvegarde de la maison alsacienne, tout en subventionnant un projet qui prévoit la démolition d’une de ces maisons ? Comment les recommandations écrites du Président du Conseil départemental peuvent-elles être dédaignées de la sorte ? Autre question qui mérite d’être posée.
La maison alsacienne du 21ème siècle n’est-elle qu’un projet de communication ou au contraire un véritable choix d’urbanisme qui s’inscrit résolument dans les défis du 21ème siècle : économie de terrains, de matériaux, réemplois, modernité des techniques et conversion des savoir-faire.
Nous demandons instamment que le projet de la maison du 21ème siècle devienne un outil technique et financier au service des collectivités, pour aider à la sauvegarde et à la reconversion du patrimoine.
Suite à cette lamentable destruction à Geudertheim, force est de constater que l’image de la maison alsacienne du 21ème siècle se trouve soudain réduite à celle d’une maison à colombage du 17ème siècle arrachée à sa terre d’origine, pour laisser place aujourd’hui à un terrain vague et demain à un bâtiment sans âme, totalement incongru au cœur du village.
Forts à ce jour de 800 adhérents, nous vous demandons de bien vouloir nous accorder un entretien au cours duquel nous souhaiterions examiner ensemble les conséquences de ce massacre patrimonial ainsi que les moyens d’empêcher à l’avenir, au sein de la Collectivité Européenne d’Alsace, les destructions injustifiées de maisons alsaciennes dans nos villages, de l’Outre-Forêt au Sundgau.
Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
Bernard DUHEM,
Président de l’ASMA