Eschbach : isolation par l’extérieur de l’ancienne école : ce n’était vraiment pas une bonne idée !
©Denis Elbel
L’école élémentaire d’Eschbach, bâtiment emblématique du village, a été inaugurée en 1933. Située en plein centre, à proximité immédiate de l’église et du presbytère, cette bâtisse remarquable n’est pourtant pas une maison à colombages.
On peut se demander pourquoi l’ASMA s’y intéresse, puisque ce n’est pas une maison alsacienne, au sens habituel du terme…
La réponse est simple : en effet, l’ASMA défend l’ensemble du bâti ancien alsacien – ancien = érigé avant 1948 – qu’il soit réalisé en pans de bois comme le sont nos traditionnelles maisons à colombages, ou en pierre, comme c’est le cas de très nombreuses maisons dans le Sundgau, ou souvent les deux, avec le rez-de-chaussée en maçonnerie, et l’étage à pans de bois, cas de figure très fréquent, en particulier dans le Pays de Hanau.
Tous ces bâtiments ont quelque chose en commun, ils ont horreur qu’on les isole par l’extérieur, et ce pour deux raisons essentielles :
1. Une isolation par l’extérieur dénature totalement l’aspect patrimonial de ce bâti traditionnel ; c’est particulièrement évident pour les maisons à colombages, mais c’est aussi le cas pour les maisons en pierre, dont l’aspect architectural se trouve banalisé : disparaissent en effet les encadrements de portes et de fenêtres, les pierres d’angle et les corniches et autres modénatures le plus souvent en grès des Vosges. Circonstance aggravante : une ITE = Isolation Thermique par l’Extérieur, n’est pas réversible, car elle nécessite de casser tous les éléments en pierre de taille qui sont en relief par rapport au nu de la façade, en particulier les appuis de fenêtres, les moulures et les corniches.
2. Mais ce qui est souvent ignoré du grand public, c’est qu’une ITE a un effet extrêmement négatif sur la pérennité même du bâti ancien : car le fait d’envelopper ainsi les parois extérieures d’une maison empêche les échanges hygro-thermiques, autrement dit, empêche la vapeur d’eau générée à l’intérieur des habitations de s’échapper naturellement par les murs traditionnels qui sont perspirants ; l’humidité se concentre ainsi principalement dans l’ossature bois qui va se détériorer rapidement, même si elle est en chêne, alors que ces maisons ont traversé sans encombre plusieurs siècles ! Mais c’est le cas également pour les maisons en pierre, dont les maçonneries vont souffrir de diverses pathologies liées à l’humidité intérieure des murs et au développement de moisissures, provoquant ainsi des altérations et des problèmes structurels.
À notre époque où la décarbonation de notre économie et l’approche « développement durable » sont mises en avant dans tous les projets de construction, il est clair que l’isolation par l’extérieur de notre bâti patrimonial est à proscrire. D’ailleurs, cette possibilité d’envelopper par du polystyrène ou autres isolants issus de la pétrochimie industrielle le bâti ancien, commence à juste titre à être interdit par certains PLUi.
Revenons à Eschbach ; le projet prévoyait de « rénover » l’école élémentaire pour accueillir à terme la mairie, lorsque le nouveau groupe scolaire aura été livré.
Le conseil municipal avait décidé de commencer dès le mois de mai 2024 par la rénovation énergétique de l’école, en site occupé, en optant donc pour une isolation extérieure. Le cabinet d’architectes Atelier G5 n’a curieusement pas émis de réserves et a même proposé de reconstituer les moulures, les encadrements de fenêtres en grès, cassés ou perdus sous l’isolant, par des profils en résine colorée, alors que de nombreuses études récentes démontrent leur faible durabilité dans le temps.
L’ASMA a été informée de ce projet contestable par l’un de ses adhérents très actif, Jean Weiss, originaire du village. L’ASMA a aussitôt consulté l’ABF (Architecte des Bâtiments de France) le 22 janvier dernier, et a rencontré monsieur le Maire le 26 janvier ; celui-ci a ensuite invité un groupe d’habitants, mené par Jean Weiss, à exposer ses arguments contre l’isolation par l’extérieur, lors du conseil municipal du 22 février, en s’appuyant sur la lettre d’une jeune architecte originaire d’Eschbach, Elise Heckmann (ci-dessous) qui conclut son argumentaire en ces termes : « La variante de l’ITE qui a été retenue pour l’école n’est ni esthétique, ni économique, ni pérenne, ni efficace compte tenu de sa performance technique globale ». Elle préconise, tout comme l’ASMA, une isolation thermique par l’intérieur en chaux-chanvre projeté, qui est la solution de loin la plus adaptée au bâti ancien, et qui sera réalisable après la livraison du futur groupe scolaire.
Monsieur le Maire et son conseil ont décidé de suspendre le projet de rénovation de l’école élémentaire jusqu’à la fin du mandat.